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Catégorie : Aérophilatélie


MARCEL DORET : LA PREMIÈRE LIAISON PARIS-TOKYO OU LE RÊVE INACHEVÉ

Rédigé par APN.


lundi 1 juin 2015

L’idée de cet article était en germe depuis bien longtemps déjà lorsqu’enfant j’admirais une photo d’aviateur chez mon grand-père.


Plus tard en déchiffrant l’inscription manuscrite de la photo je découvris que Marcel Doret était un ami de mon grand-père disparu en 1955. (Figure 1).

"Manuscrit inédit de Marcel Doret de 1952 trois ans avant sa disparition sur photo dédicacée : « c'est grâce à vous, Gabriel RAGET, si 25 ans après mon moteur Hispano Suiza répond à tous mes désirs et toute ma confiance et surtout ma sincère amitié. Marcel Doret 1952 ». Jusqu'en 1954 un an avant sa disparition Marcel Doret continuait la voltige sur des avions équipés de moteurs Hispano-Suiza dont le banc d'essai à Bois Colombes était dirigé par Gabriel Raget.'' 


D’abord mécanicien puis pilote d’instruction à la fin de la Grande Guerre, pilote de voltige, pilote d’essais et surtout de grands raids, il est l’une des grandes figures des pionniers de l’aviation entre 1914 et 1940 et peut-être l’un des trois pilotes les plus complets avec Byrd l’américain et l’allemand Fieseler.


Il a survécu à quatre accidents (Trois lors des tentatives Paris-Tokyo et un en tant que pilote d’essai).


1. Du mécanicien au pilote acrobatique :


Marcel Doret est né le 3 mai 1896 à Paris. En 1910, il est apprenti mécanicien. Il s'engage à 18 ans, dès le début de la Grande Guerre dans l'artillerie et combat à Verdun. Il est blessé 3 ans plus tard et reçoit la médaille militaire. Une fois guéri, il demande son transfert dans l'aviation et rejoint Dijon puis Chartres. Il est breveté pilote militaire en 1918, à l'âge de vingt-deux ans, et il poursuit sa formation à l'École de chasse et d'acrobatie de Pau. À la fin de la guerre, il est ouvrier chez Renault, mais Émile Dewoitine le remarque dans un meeting aérien. Le 1er juin 1923, Doret entre comme pilote d'essai dans ses usines à Toulouse, et devient rapidement chef pilote d'essai. Jusqu'en 1939, il met au point quarante-trois prototypes d'appareils très différents, ce qui lui donne une maîtrise presque totale du pilotage. (Figure 2)


Le roi de l’acrobatie. Carte postale ayant voyagé postée à Dugny (Seine) Càd 23/10/1930 sur semeuse lignée 50c orange représentant Marcel Doret sur le point de décoller avec son avion d’acrobatie Dewoitine D 37 (le médaillon le montre en tenue d’aviateur) et inscriptions ‘Aérodrome du Bourget-Dugny Le roi de l’acrobatie – Doret’ éditions Farineau. 


2. L’homme des raids aériens Paris-Tokyo :


Avec la production des appareils de ligne, comme le D.332 Émeraude, il est amené à les convoyer dans des pays de plus en plus lointains et devient un des premiers pilotes de ligne.


Titulaire de 18 records internationaux, il bat le record du monde de distance en circuit fermé en juin 1931 avec Joseph Le Brix, sur le D33 « Trait d’union ». (Figure 3)


''Carte postale représentant Doret et Le Brix devant le Trait d'Union avec lequel ils tenteront Paris-Tokyo, auréolés du record du monde en circuit fermé battu en Juin 1931 : 10372 kms. Le Brix dont l'effigie est sur le timbre PA 55 trouvera la mort en Oural dans la seconde tentative Paris-Tokyo le 11 Septembre 1931 ". 


Première tentative Paris Tokyo le 12 juillet 1931


Les deux hommes, accompagnés du radio Mesnin s’attaquent alors à la première liaison Paris-Tokyo sans escale sur le même Dewoitine D33 « Le Trait d’Union n°1 » équipé d’un moteur Hispano 650CV. Tout se passe parfaitement jusqu’à l’Oural où ils doivent éviter une zone orageuse mais après 49 heures de vol et arrivés près du lac Baïkal, le givrage fait perdre de la puissance au moteur et après que Le Brix et Mesnin aient sauté en parachute, Doret atterrit sur les arbres sibériens. Il est sain et sauf et les trois hommes sont récupérés ainsi que les 33 kg de courrier par les villageois de Chiberta près de Nijni-Oudinsk. (Figures 4 et 5).


Deux lettres accidentées à Nijni-Oudinsk lors de la première tentative Paris-Tokyo (12-14 juillet 1931) sans escale par Doret, Le Brix et Mesnin sur le Trait d'Union, avion Dewoitine D33 équipé d’un moteur Hispano-Suiza. Doc 4 : Enveloppe spéciale affranchie avec n° 272 Càd « Bourget Aviation » 12/07/1931 et cachet soviétique sibérien Nijni-Oudinsk en cyrillique daté du 14/07/1931". Doc 5 : lettre originale signée Calves affranchie par un TP 50c exposition coloniale n° 272, Càd Bourget-Aviation 12/07/1931, au verso nom de l'avion : ' Le Trait d'Union'. 


Seconde tentative le 11 Septembre 1931


Le même équipage tente la liaison avec un avion identique ‘Trait d’Union n° 2’ et un moteur Hispano revu pour éviter le givrage. Le grand drame intervient le lendemain au-dessus de l’Oural : en raison de conditions météo épouvantables, l’avion perd soudainement de l’altitude et Doret qui en a perdu le contrôle a tout juste le temps de se jeter de son poste de pilotage en parachute. Malheureusement Mesnin n’en portait pas et Lebrix a voulu l’aider à le mettre mais trop tard ! Ils gisent tous les deux inertes au milieu des débris de l’appareil (Figure 6).


Carte postale neuve avec l’équipage et l’avion de la seconde tentative Paris-Tokyo 11/09/1931 « Le Trait-d’Union », avion de raid Dewoitine D.33 moteur Hispano-Suiza 650 CV et son glorieux équipage (de G. à D.) Marcel Doret, Le Brix et Mesnin’ cliché André, Le Bourget. Rappelons que le navigateur Le Brix et le radio Mesnin sont décédés lors du crash de l’appareil en Sibérie dont Doret s’était extrait de justesse en parachute. 


Troisième tentative, cette fois - ci avec escale le : 22 Mai 1937


Après l’échec d’André Japy en 1936 et en compagnie de Jérôme Micheletti sur Simoun ils quittent Villacoublay le 22 mai 1937 pour emprunter la route du sud car l’URSS refuse dorénavant le survol de son territoire. La distance s’en trouve augmentée de 5000 kms ce qui ne permet plus à l’époque par rapport aux capacités du matériel disponible, de réaliser un vol direct.

Après avoir fait escales à Athènes, Bagdad, Karachi, Allahabad (Inde), Akyab (Inde), Vientiane (Laos), Hanoï, l’avion donne des signes de faiblesse. L’escale de Fort-Boyard (Nord Vietnam) ne permet pas de déceler les problèmes. Puis tout se passe bien jusqu’à Shanghai après 13.000 kms parcourus.

Le dernier tronçon ne sera pas achevé car arrivé au cap Nagasaki et abandonné par les navigateurs nippons le Simoun doit atterrir en catastrophe sur une plage sur l’île Shikoku à 500kms du but après 86 h de vol. Le Caudron 635 F-APMS capote sur le sable mou de la plage Koshi. L’avion est détruit, les deux pilotes sont saufs, le radio Micheletti est blessé.

Le rêve de rallier Tokyo en moins de 100 heures ne sera pas réalisé.

Ce raid figurait parmi les vols postaux de 1937. Il emportait quinze lettres à destination de Shangaï (bien arrivées le 26/51937 après 72h de vol et 7 escales cachet arrivée Shangaï du 26/5), et le même nombre à destination de Tokyo (Figures 7 et 8).



Deux lettres du vol de 1937 Paris-Tokyo 3ème tentative via Hanoï & Shangai avec Micheletti, accidentées sur l'île Koshi : Doc 7 : Lettre sans texte pour ‘Monsieur l’Ambassadeur de France à Tokio avec double affranchissement : - français au départ : TP n° 338 Mermoz et le PA n° 11 oblitérés par le Càd Le Bourget-Aviation Seine 22/05/1937 6h - japonais à l’arrivée avec le TP n° 244 avec surtaxe au profit de l’aviation annulé par le Càd Imperial Hotel Po, Tokio 26 mai 1937 NIPPON (même Càd au verso). Doc 8 : lettre originale signée Calves affranchie avec PA 13 par Càd "Le Bourget-Aviation 20/01/1937" à destination de Tokyo ; au verso Càd arrivée Hanoï RP Tonkin 23/01/1937, signée R. Calves : 


Ce sera sa dernière tentative sur cette distance.


Air France vous transporte maintenant à Tokyo en moins de douze heures !


Marcel Doret poursuivra une carrière de pilote d’essai (Figure 9) qu’il a retracé dans l’ouvrage qu’il a publié en 1954 : « trait d’union avec le ciel », réédité en 2002. (Figure 10).


Carte postale neuve Marcel Doret en tenue de pilote d’essai avec au bras son pingouin (sa mascotte préférée) devant un Dewoitine éditions A.N., Paris. 


"Couvertures du livre de Marcel Doret 'Trait d'Union avec le Ciel' paru en 1954 et de sa réédition en 2002. 


Diplôme avec la médaille de l’aéronautique décernée à Gabriel Raget le 4 octobre 1950 par le secrétariat aux Forces Armées – Air. Le Secrétaire d’Etat était André Maroselli. Jules Moch était alors ministre de la Défense du premier gouvernement de René Pleven. 


Anniversaire des 50 ans de la traversée Atlantique Est-Ouest de Costes & Bellonte les 1er et 2 septembre 1930 sur le Point d'Interrogation un Bréguet 19 équipé d'un moteur Hispano-Suiza 650 CV en Octobre 1980 à l'usine Hispano-Suiza à Bois Colombes : Photo du haut : Maurice Bellonte (à G) disparu le 14 janvier 1983 et à sa droite Gabriel Raget qui avait mis au point ce moteur. Photo du bas : l'auteur de l'article avec Maurice Bellonte à sa droite et trois autres invités. 


                                                            APN - Juillet 2015 - Christian Raget