Le 22 octobre dernier s’est tenue au Musée Postal à Paris une manifestation totalement originale, la première de ce genre pour la Poste Française.
Elle était organisée pour officialiser la restitution par le Musée de la Communication de Berlin de 216 timbres à dates français saisis pendant la deuxième Guerre mondiale dans les régions est et nord de la France, alors occupées.
Ces cachets, utilisés par les postiers, avaient été saisis par l'armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale, entre 1940 et 1944.
Ces timbres à date proviennent de bureaux de poste, d’ambulants ou de bureaux militaires. Quelques exemplaires de ces timbres à date sont issus de la poste ferroviaire et militaire. 211 proviennent de Lorraine, notamment des départements de Moselle et de Meurthe-et-Moselle. Les autres proviennent du département du Nord.
Perrine Bisson, chargée de conservation au Musée de La Poste explique qu’à l’époque, chaque bureau de poste avait son propre timbre à date, avec le nom de la ville et son département. Ces timbres indiquaient la date de départ ou d'arrivée d'une lettre, d'un colis dans un bureau. Ces timbres en métal, que les postiers tenaient par un manche en bois, étaient frappés du nom des communes où étaient situés les bureaux de poste: Knutange, Metz et Thionville sont des noms que l'on retrouve sur les timbres à date restitués.
Des timbres saisis par les Allemands.
En mai 1940, l'armée allemande annexe une seconde fois les départements de l’est de la France, Alsace, Lorraine, et se saisit des tampons à encre de la Poste française. Ils sont enlevés pour être remplacés petit à petit par du matériel allemand. La plupart n’a pas été conservée et est partie dans l'économie de guerre pour la récupération de métaux. Ces timbres, objets du quotidien, deviennent un butin de guerre. Seule quelques timbres ont survécu, et sont envoyés au musée postal du Reich allemand pendant la guerre pour y être stockés.
Ils ont été retrouvés par le Musée de la Communication de Berlin, en Allemagne.
Le musée et les timbres entreposés dans son sous-sol se retrouvent sous les bombes. "Donc les timbres de la collection ont survécu aux bombardements, ils étaient sous les décombres", poursuit Perrine Bisson. L'humidité et le temps les rongent. "Ils étaient dans un état de rouille, donc il a fallu les restaurer." C'est le Musée de la Communication de Berlin qui en hérite, les inventorie et les restaure. Au cours de la restauration, la rouille a été éliminée par un procédé de microbillage et les surfaces mises à nu ont été densifiées par un polissage avec des feutres de laine. Quelques timbres à date ont été laissés dans leur état d’origine afin de conserver des exemples de comparaison.
Le Musée en dénombre 216 dont 211 proviennent de Lorraine.
En 2018, l'institution allemande entame des démarches pour en retrouver le propriétaire sous la direction du Docteur Veit Didczuneit, Conservateur du Musée de la Communication de Berlin (Museum für Kommunikation Berlin). Côté français, la FFAP ( Claude Désarménien) et la SPAL (association des spécialistes en marques postales et oblitérations d’Alsace-Lorraine) sont consultées. | ||
Le Docteur Veit Didzucneit, Conservateurau Musée de la Communication de Berlin. |
Michel Frick, Président de la SPAL. |
Ces objets restitués sont hautement symboliques de la germanisation de la Moselle. Ils font partie de ces objets du quotidien qui, en Moselle, ont été remplacés complètement par des objets allemands. Tout comme ce fut le cas pour les livres.
Parmi ces cachets postaux, certains ont une valeur historique encore plus forte : 34 d’entre eux montrent la dernière date à laquelle ils ont été utilisés, illustrant la transition brutale opérée dans les territoires annexés. |
Six ans pour les remettre à La Poste.
Le Musée de la Communication de Berlin fait appel à une commission de restitution des biens spoliés par les Nazis pendant la Seconde guerre mondiale. L'antenne berlinoise mène son enquête. Puis elle retrouve l'origine de ces timbres : La Poste, en France. Le Musée entre en contact avec son homologue français, le Musée postal, pour organiser une restitution. Cet été, après six ans de démarches, les timbres sont empaquetés. "Ça rentrait dans quatre petites caisses, et le Musée nous les a apportés en voiture, après 12 heures de route", s'amuse Perrine Bisson. Un long trajet, jusqu'au Musée de La Poste à Paris, où ils sont désormais exposés.