Après la Grande Guerre la Transylvanie a été rattachée à la Roumanie.
Au commencement toutes les marques postales hongroises ont été acceptées par les nouvelles autorités roumaines. Mais petit à petit, en traversant une période de transition, elles ont été remplacées par les timbres, entiers postaux et formulaires postaux roumains. La présence de la censure roumaine sur les correspondances (fig.1 et 2) est une constante dans le paysage postal en Transylvanie pendant toute cette période de transition, entre 1919 et 1922.
Cette période est très intéressante du point de vue philatélique, car elle nous offre de belles pièces, avec des affranchissements mixtes roumains-hongrois où des inscriptions bilingues, en roumain et hongrois, sur les formulaires postaux.
Fig.1: Carte postale de Borsec (Borszék) à Sibiu (Nagyszeben) datée du 21.12.1918. Timbre-poste et CAD hongrois, annotation manuscrite de la censure roumaine. Fig.2 : Carte postale locale à Cluj (Kolozsvár) du 31.12.1918. Timbre-poste et CAD hongrois, cachet de censure roumain.
Voici quelques intéressantes pièces de transition:
Les cachets à date (CAD) hongrois sont resté en usage, même si une certaine partie a été modifiée pour des raisons d’exploitation postale, car le système de datation hongrois était inverse de celui en vigueur en Roumanie, année, mois et jour (fig.3) au lieu de jour, mois et année (fig.4). Après ce changement ils sont restés en service, avec le symbole de la couronne de Saint-Stephan et le nom hongrois de la localité. Puis ils été remplacés par de nouveaux cachets à date avec les noms de localités en roumain (fig.5). Ce changement s’est produit vers 1921-1922. On peut cependant rencontrer des cachets à date hongrois utilisés de manière isolée en Transylvanie vers les années trente.
Fig.3 : Document en franchise d'Arad à Ineu (Borosjenö) CAD hongrois 919 (pour 1919). SEP. 30 Cachet roumain de censure. Fig.4 : Document en franchise d'Arad à Ineu (Borosjenö), CAD hongrois modifié 3. APR. 920, cachet roumain de censure. Fig.5 Enveloppe réutilisée (l'affranchissement et l'adresse initiales se trouvent à l'intérieur) de Cluj pour Brasov (Brasso) 21.10.1921, timbres-poste et CAD roumains.
Les entiers postaux hongrois qui étaient dans les stocks des offices postaux ont été acceptés par les nouvelles autorités roumaines (fig.6) Après l’augmentation du cours d’échange korona-leu, ils sont restés en usage postal en ajoutant des timbres-poste, roumains ou hongrois (fig.7 et 7bis). Puis, une partie des entiers postaux hongrois trouvés dans les offices postaux de la Transylvanie, a été surchargée par les autorités roumaines (fig.8 et 9). Il en résulte parfois des pièces spectaculaires, comme celle présentée figure 10.
Fig.6: Carte postale hongroise 10 filler de Brașov (Brasso) à Sebes (Szaszebes) du11.11.1919. Timbre-poste et CAD hongrois, cachet roumain de censure. Fig7: Carte postale hongroise 8 filler et timbres hongrois, CAD hongrois et cachet de censure roumaine. Fig.7bis Carte postale hongroise 10 filler et timbres roumains, CAD hongrois, étiquette de recommandation hongroise, envoyée d'Arad à Sibiu (Nagyszeben) le 09.11.1919. Fig.8: Carte postale fermée hongroise 20 filler avec surcharge roumaine de Cluj 15 bani. Fig.9: Carte postale hongroise 10 filler avec surcharge roumaine de Timișoara 10 bani. Fig.10: Carte postale militaire hongroise avec surcharge roumaine de Cluj renversée 10 bani. CAD hongrois Timișoara (Temesvár) du 28.04.1920, cachet roumain de censure.
Les timbres-poste hongrois ont été utilisés pour l’affranchissement de la correspondance jusqu’en juillet 1919 avec la parité de 1 Korona = 1 Leu, majorée ensuite à 2 Korona = 1 Leu (fig. 11 et 12). Le cours d’échange korona-leu a été fortement soutenu par la Banque Nationale de Roumanie, qui voulait offrir des conditions d’échange attractives aux habitants de Transylvanie.
Fig.11: Carte postale de Sibiu (Nagyszeben) à Lipova, 10 filler plus 20 filler porto du 28.08.1919, CAD et timbres hongrois, cachet roumain de censure. Fig.12: Carte postale de Caransebeș (Karánsebes) à Mehadica (Mehadika) du 26.10.1919, timbres et CAD hongrois, cachet de censure roumain.
Mais, ces avantages financiers vont attirer un important nombre de korona venus de Hongrie pour être changés plus favorablement en Transylvanie. Pour freiner cette avalanche de korona, la Roumanie décide alors de surcharger tous les billets de banque existant en Transylvanie et de ne reconnaitre ces billets que dans la circulation financière de la nouvelle province (fig.13). Les timbres-poste hongrois des offices postaux transylvaniens ont été aussi surchargés à Cluj et Oradea. Il en résulte deux émissions de timbres-poste, nommées d’après le lieu de surcharge „Cluj” ou „Oradea”, très appréciées par les collectionneurs (fig.14 et 15). On peut rencontrer les timbres surchargés seuls sur correspondances (fig.16) ou à côté d’autres timbres roumains ou hongrois (fig.17 et 18). La mise en circulation de ces timbres a attiré l’intérêt de collectionneurs qui ont les acheté massivement. Le résultat est qu’aujourd’hui, on trouve plus facilement les timbres neufs qu’oblitérés ou sur lettres.
Fig.13: Billet de banque hongrois de 10 Korona avec le cachet roumain ROMANIA TMBRU SPECIAL. Fig.14: Enveloppe recommandée de Cluj (Kolozsvár) à Prundu Bârgăului (Borgóprund) du 04.09.1919. CAD hongrois, timbre hongrois avec surcharge roumaine de Cluj, cachet roumain de censure. Fig.16: Carte postale d'Ocna Sibiului (Vizakna) à Berlin du 27.10.1919. CAD hongrois, timbres hongrois avec surcharge roumaine de Cluj, cachet roumain de censure. Fig.18: Carte postale de Timișoara (Temesvár) à Ploiești du 21.11.1919, CAD hongrois, timbre hongrois surchargé à Cluj et timbre roumain, cachet de censure roumain.
Un intéressant cas de pseudo surcharge est présenté dans la figure 19. C’est une carte postale affranchie avec un timbre hongrois de 20 filler, envoyée de Reșița (Resiczabánya) à Lugoj (Lugos) le 31 Mai 1920. L’expéditeur a réalisé une surcharge inédite et très particulière, à la main: il a effacé à l’encre noire les mots Magyar kir (Royale Hongroise ) et IV Károly (le nom du roi hongrois Karoly IV) en laissant libre que le mot Posta.
Fig.19: Carte postale de Reșița (Resiczabánya) à Lugos du 31.051920, timbre hongrois modifié à la main, CAD hongrois, cachet roumain de censure.
Au fur et à mesure de l’augmentation de leur délivrance, les timbres-poste roumains en Transylvanie ont été utilisés sur le courrier postal à côté de timbres-poste hongrois, qui théoriquement ont été rétirés de circulation en automne 1919, mais qui en réalité sont restés en usage jusqu’à leur épuisement (fig.20).
Fig.20: Enveloppe récommandée de Timișoara (Temesvár) à Lugoj, du 31.05.1920, affranchissement mixte roumain-hongrois, CAD et étiquette de recommandation hongroise, cachet roumain de censure.
L’approvisionnement de la Transylvanie avec des timbres-poste roumains a toujours été un problème pour l’administration postale roumaine pendant la période de transition. Parfois les postiers ont toléré les correspondances non timbrées parce qu’ils savaient que les timbres manquaient dans les offices postaux (fig.21). On connait le cas de Brasov où le paiement pour les correspondances, lettres ou cartes postales a été fait en espèces. Un cachet avec le texte Taxa bani platita in bani gata (La taxe de x bani payée en espèces) a été apposée sur les correspondances payées dans ce système (fig.22 et 23).
Fig.21: Carte postale de Lugoj (Lugos) à Balș, du 23.081919, non-affranchie et sans timbre, CAD hongrois, cachet roumain de censure. Fig.22: Carte postale de Brașov (Brasso) à Sânmartin (Csikszentmárton) du 06.12.1919 avec cachet de taxe en roumain, CAD hongrois et cachet de censure roumaine. Fig.23: Enveloppe de Brașov (Brasso) à Bucarest du 28.08.1919 avec cachet de taxe en roumain, CAD hongrois et cachet de censure roumain.
Dans le domaine de télégraphie, la situation a été la même. Au début, les télégrammes ont été rédigés sur des formulaires en hongrois (fig.24), puis des formulaires bilingues en roumain et hongrois ont été employés (fig.25 et 26). Il faut remarquer que le télégramme de la figure 26, envoyé de Maria Radna le 12 Avril 1920 est arrivé à destination 5 jours plus tard, par la poste et non par télégraphe (fig.27).
Fig.24: Formulaire de télégramme hongrois, utilisé à Brașov (Brasso) le 14.04.1919, CAD hongrois, annotation manuscrite de censure en roumain. Fig.25: Formulaire de télégramme de transition, en hongrois et roumain, utilisé à Săliște (Szelistye) le 26.01.1920. Fig.26: Formulaire de télégramme de service bilingue en roumain et hongrois utilisé à Radna (Maria Radna) le 12.04.1920. Fig.27: Le verso du télégramme de fig.26, CAD et cachet en roumain.
La même chose se passait avec les étiquettes et cachets des lettres recommandées, les inscriptions hongroises (fig.28) ont été remplacées par celles en roumain (fig.29).
Fig.28: Carte postale récommandée de Sângiorz Băi (Oláhszentgyörgy) à Cluj du 26.06.1920 timbres roumains, cachet de censure roumaine, CAD et étiquette de recommandation hongroise. Fig.29: Enveloppe récommandée de Cluj (Kolozsvár) à Bucarest, le 14.05.1920, CAD hongrois, timbres, étiquette de recommandation et cachet de censure roumains.
La période de transition en Transylvanie est très attractive pour les philatélistes parce que les règles qui l’ont régie sont souvent ignorées. Cela ouvre de vastes possibilités d’études et de recherches.
C’est précisément ce qui attire les collectionneurs.
Dr Cristian Scaiceanu