De nombreuses arches naturelles issues de l’érosion se donnent à voir sur toute la surface du globe. Les diverses Postes mondiales en ont d’ailleurs consacré plusieurs articles. (Voir sur le site www.timbresponts.fr)
En dehors des géographes et géologues, les historiens des ponts leur portent un intérêt particulier : probablement est ce l’observation de ces créations de la nature qui a aidé les hommes à imaginer la forme architecturale de l’arc voûté. Peu ont cependant autant frappé les explorateurs, navigateurs et hommes de lettres que l’Arche des Kerguelen, qui fut et reste une curiosité géographique étonnante malgré son effondrement partiel.
Ce monument naturel est situé au nord-est de l’île principale de l’Archipel des Kerguelen, exactement à 48°43’ latitude Sud et 69°04’ longitude Est au bout d’une petite langue de terre qui l’isole nettement de l’île. Ce fut d’abord un rocher percé très élevé (103 m. environ au dessus de l’île) formant une arche rectangulaire caractéristique qui fut remarquée par tous les navigateurs, depuis la découverte en 1774 jusqu’à la première expédition des frères Rallier du Baty en 1908-1909 : à la deuxième expédition Rallier du Baty en 1913-1914, on constata l’effondrement du toit de l’arche. Seules deux colonnes verticales subsistent de nos jours qui ont conservé le nom originel d’Arche des Kerguelen. |
Issues du volcanisme originel, elles sont composées de basalte. On peut y voir des morceaux de bois silicifié, attestant d’épisodes climatiques antérieurs nettement plus doux qu’aujourd’hui. |
Elle est comme la porte d’entrée de l’archipel. En fait, elle marque l’extrémité sud-est de la Baie de l’Oiseau, la pointe nord-est de cette baie étant le Cap Français. |
Elle fut d’abord nommée Le Portail sur la carte du chevalier de Kerguelen lui-même lorsqu’il la voit pour la première fois en janvier 1774, à son second voyage. L’astronome Le Paule Dagelet qui l’accompagna et fit alors un périlleux débarquement ne manqua pas de la mentionner dans son compte-rendu à l’Académie des Sciences. |
Deux ans après, le capitaine James Cook arrive dans ces îles qu’il appellera d’abord Îles de la Désolation avant de les baptiser Îles Kerguelen en l’honneur de son prédécesseur. Fair play mais aussi solidarité entre ces navigateurs de l’extrême ! Il entre dans la même baie le 25 décembre 1776, nomme celle-ci Christmas Harbour et baptise le monument Arched - Rock : nom qui lui est définitivement resté, traduit en français par Pointe de l’Arche. Le Havre de Noël est l’objet de l’une des plus célèbres gravures qui accompagnent le récit du troisième voyage de Cook, ainsi commentée : « L’endroit le plus remarquable, la pointe sud, est terminé par un très haut rocher perforé, de sorte qu’il ressemble à l’arche d’un pont. » (souligné par nous. MK ) |
Le dessin du timbre TAAF PA 47 est intéressant à observer et à comparer avec le précédent. La source est la même, à savoir la gravure du récit de Cook. Mais si dans l’illustration du timbre du triptyque, Béquet avait pris quelques libertés, il reste cette fois fidèle au dessin originel. |
Lors de son voyage de 1840 avec ses deux bateaux, l’Erebus et le Terror commandé par Crozier, J.C. Ross confirmera les observations de ses prédécesseurs. : « La pointe de l’arche, de 150 pieds de hauteur, est composée de basalte. A l’intérieur, on voit des fragments de bois silicifié inclus dans le basalte. » C’est cette expédition que commémore le timbre des Terres Australe et Antarctiques Françaises émis en 1979 (réf YT PA 59 ). Au format 48 x 36 mm, la vignette dessinée et gravée par Pierre Béquet également nous montre le Terror face à l’arche, telle que Ross pu les voir depuis l’Erebus. A la même époque, le monument entre dans la littérature. Avec son roman: « Les Aventures d’Arthur Gordon Pym » édité en 1838 Edgar Allan Poe en fait une description détaillée . Sans doute l’écrivain américain en avait il eu connaissance par les récits des chasseurs baleiniers de Nouvelle- Angleterre, nombreux à se rendre aux Kerguelen dans ces années là. N.Taylor, baleinier, américain également, en laisse un témoignage direct paru en 1851 : « Au port Christmas, une étroite bande de terre s’avance dans la mer, portant un rocher où les lames ont creusé un passage lui donnant l’aspect d’une voûte en ruine. (souligné par nous. MK). C’est la Pointe de l’Arche mais les marins la nomment communément la Porte du Diable. En 1874, c’est à la très célèbre expédition scientifique du Challenger d’aborder l’île. Ses rapports s’ouvrent sur une grande gravure représentant l’Arche vue du fond de la Baie de l’Oiseau : comme si ce monument était le plus remarquable rencontré par ce navire pendant tout son voyage autours du globe. « Nettement coupée de la falaise se trouve une grande arche naturelle de 150 pieds de hauteur : un grand phénomène de la nature… » commentera Campbell, son commandant, visiblement impressionné. |
L’Archipel des Kerguelen devient français en 1893. E. Mercié, Enseigne de vaisseau de l’Aviso l’Eure est chargé de la cérémonie de prise de possession au nom de la République. Il décrira en détail « la fameuse Pointe de l’Arche …vue comme… un magnifique arc de triomphe qui laisse entrevoir le jour à travers son ouverture. » (souligné par nous. MK) Les frères Rallier du Baty le suivent en 1908 et seront témoins privilégiés. Après leur première expédition Raymond précise : « l’entrée de la baie a un mille de large avec … au sud un rocher de 150 pieds. La mer , sans relâche, y a creusé une arche large de 100 pieds, par laquelle, d’un certain angle on aperçoit la côte, des falaises et des rochers imposants s’étendant loin à l’horizon. » » Puis, surprise ! Et de taille ! Lors de la deuxième expédition Rallier du Baty en 1913, on ne peut que le constater : dans l’intervalle de quatre années, le toit de la fameuse arche s’est effondré. … Constat confirmé en 1931 par le géologue français E. Aubert de la Rue et paru dans son « Etude géologique et géographique de l’Archipel des Kerguelen », ouvrage de référence fruit de quatre campagnes menées avec son épouse en 1928-29, 1931, 1949-50 et 1952 : « Le recul des falaises et les effets de l’érosion marine se traduisent par la présence de rochers aux formes singulières, tels l’Arche aujourd’hui effondrée et formant deux tours comparables à celles de Notre-Dame à l’entrée de la Baie de l’Oiseau. » (souligné par nous. MK) Ce sont ces deux tours que, sous le titre : « l’Arche des Kerguelen », représente le timbre émis par les TAAF le Ier janvier 2001. Référencée par YT sous le n° 296, cette vignette postale dentelée 13 mesure 48 x 36 mm. Remercions M. Jubert d’avoir, par la taille-douce, réussi à exprimer la monumentalité des vestiges de ce qui fut la plus extraordinaire des arches naturelles jamais observées sur la planète. |
Pour finir citons un dernier témoin : Jean-Paul Kauffmann. Avec « l’Arche des Kerguelen », l’écrivain a livré en 1993 une méditation littéraire et poétique qui n’a pas peu contribué à mieux faire connaître ces terres désertes et désolées ainsi que notre arche, leur figure emblématique. D’autant que son livre a fait l’objet de plusieurs rééditions. Merci à lui également. |
Bibliographie sommaire : Ouvrages et conférences de Gracie Delepine Récits de Raymond Rallier du Baty Ouvrages et rapports d’Edgar Aubert de la Rue Jean-Paul Kauffmann, ouvrage précité Notices de l’Administration Philatélique des T.A.A.F. Question annexe : « Mais au juste, où sont telles donc ces Îles Kerguelen ? » Réponse : |