Le 25 septembre 2004, l’île de Mayotte, avait encore le statut de Collectivité Territoriale Spéciale, et, à ce titre, émettait ses propres timbres, ce qui était effectif depuis 1997.
A cette date, Mayotte émet un timbre consacré au pont de Kwale, dont la technique de construction est connue sous le nom de famille des ponts dits « Bailey ».
Faut-il le rappeler ? Située par 45°10 de longitude Est et 12°50 de latitude Sud, Mayotte appartient géographiquement et culturellement à l'Archipel des Comores. Mais en 1975, elle s'en est politiquement détachée, lors d'un référendum, ses habitants refusant de suivre les autres îles comoriennes dans la voie de l'indépendance, préférant trouver une place propre au sein de la République française.
Mayotte, officiellement nommée Département de Mayotte, est depuis 2009, à la fois une région française d'outre-mer et une collectivité territoriale unique, dirigée par le conseil départemental de Mayotte. Elle n’émet plus de timbre depuis 2012, la dernière émission de 2011 étant consacrée au Marion Dufresne navire des TAAF dans le cadre d’une émission jumelée Mayotte/TAAF.
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de Mayotte en 2011 jumelée avec celle des TAAF. |
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Dans l'océan de la production mondiale de figurines postales, celles de Mayotte sont intéressantes pour le collectionneur, à plusieurs titres : le rythme des émissions a été raisonnable : une quinzaine par an et seulement 2 PAP en 7 ans ; les sujets des timbres sont un bon reflet de la géographie, la faune, la flore, la culture, l'équipement et des traditions propres à cette île (musulmane à 95%); la conception des timbres fait le plus largement appel aux artistes locaux.
L'émission du 25 septembre 2004.
Les timbres de Mayotte sont produits par l'imprimerie des timbres postes de Périgueux. Le tirage du Pont de la rivière Kwalé est de 140 000 exemplaires. L'impression a été réalisée par feuilles de 25 timbres en offset, au mois d'août 2004. |
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La vignette postale est rectangulaire, de dimension 36 x 26 mm. A gauche, Christine Louzé. |
L'artiste.
Ce timbre a été conçu à partir d’une aquarelle de Christine LOUZÉ qui a habité Mayotte durant quatre ans. Auparavant, La Poste lui avait confié cinq autres timbres, dont le très caractéristique « Masque de Fête » émis en avril 2003. L'aquarelle est une technique très appréciée de ce peintre qui dit aimer ses transparences. De fait, chacune de ses productions postales antérieures a été réalisée avec ce procédé. S'agissant du Pont sur la Kwalé, il lui a permis de restituer au mieux la rivière, ses reflets et ses rives, le paysage forestier tropical environnant, la pirogue et les trois mahorais. Grâce à l’aquarelle, la rigidité géométrique de la construction se trouve parfaitement mise en évidence. |
Situé sur la RN 2, deuxième axe routier majeur de l'île de Mayotte, l'ouvrage enjambe la rivière Kwalé, presque à son embouchure. Localisé entre deux villages de Tsoundzou 1 et Tzoundzou 2 sur la commune de Passamainty (cf. cachet 1° jour, page 4), il commande la sortie Sud de Mamoudzou, principale ville de l'Île.
L'augmentation démographique extrêmement rapide de Mayotte, passée en moins de 20 ans de 90 000 à 150 000 habitants et celle du parc automobile qui accompagne l'élévation du niveau de vie font de ce pont un équipement important de la vie locale. Il doit être reconstruit en 2024/2025 après qu’un appel d’offre ait été lancé en 2023 par la ville de Mamoudzou. Le pont actuel. L'ouvrage consacré par le timbre a été construit en 1991, à la suite de l'effondrement d'un pont plus ancien en pierre, emporté par une crue : n'oublions pas que nous sommes ici sous les tropiques. Cyclones et pluies peuvent y faire des ravages dévastateurs. Son montage a donc été effectué dans l'urgence. C'est pourquoi, la Direction de l'Equipement a fait appel aux stocks de ponts dits Bailey (voir plus loin) géré par le Ministère pour faire face aux catastrophes naturelles et/ou aux circonstances exceptionnelles. D'une longueur d'un peu moins de 31 mètres, il comporte deux travées, appuyées aux deux extrémités sur deux culées en maçonnerie et, aux deux-tiers, sur une pile également maçonnée. Pour fendre le fil de l'eau, cette pile comporte un avant-bec, visible sur les photos. |
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![]() (Photo de Bruno de Villeneuve). |
Sa largeur de 4,30 mètres n'autorise qu'une seule file de circulation de 3,50m et un trottoir de 0,80 m.
Le tablier comporte un platelage en bois, refait en 1998. L'ouvrage est en effet très surveillé et bien entretenu, ce qui explique sa longévité alors que, par définition, ce type de pont est éminemment provisoire. Les Ponts Bailey. Le pont Bailey fut développé par un Britannique, Donald Coleman BAILEY dans le contexte de la Deuxième Guerre Mondiale. Pour les besoins du Génie Militaire des armées alliées, Sir Bailey mis au point un prototype de pont à colombage, d'une force portative de 40 tonnes, composé de sections en acier assemblées par des boulons à écrou et des tenons. Chaque section avait une hauteur de 1,52 m, une longueur de 3,05, un poids de 272 kg et pouvait être portée par 6 hommes. Par rapport aux ponts traditionnels, les temps de montage étaient des plus réduits, de l'ordre de la vingtaine d'heure !!! Le succès du concept fut tel que plus de 650 000 sections furent d'abord produites en Grande-Bretagne puis par la suite aux USA et au Canada à une échelle encore plus gigantesque. Durant la seule bataille de Normandie de 1944, pas moins de 1000 ponts Bailey furent lancés ! Proportionnée au nombre de sections, leur force portative variait de 10 à 100 tonnes, la longueur totale de 9,15m à 67m, permettant le passage des chars les plus lourds. |
Ainsi, ayant plus que prouvé leur efficacité militaire et contribué à la victoire contre l'Allemagne nazie, les « Bailey » continuèrent à être utilisés partout où l'on a besoin d'un pont temporaire ; après un désastre ou sur de grands chantiers. Sa pose est simple : des camions amènent les composants, le pont est assemblé sur place, un bulldozer procède au poussage d'un côté à l'autre de la brèche à franchir. Au besoin, on glisse des éléments roulants sous le pont. Des nouvelles générations de ce type de pont ont aussi été développées : par exemple les ponts Acrow au Canada.
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Le tablier du pont de la Kwalé et les panneaux latéraux en montage D-D ( Photo de Bruno de Villeneuve). |
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Le Pont de la Rivière KWALE est dit du type D-D. Dans cette vaste famille des Bailey, chaque type de pont est désigné par une appellation double, utilisant les mots « simples » « doubles » et « triple » : le premier indique le nombre de poutrelles élémentaires juxtaposées pour chacune des deux poutres porteuses ; le second, le nombre de panneaux de chaque poutrelle. D-D veut donc dire que chaque poutre comporte 2 séries de deux hauteurs de panneaux.
Et les ponts Eiffel ?
Avant de conclure, il serait injuste de ne pas évoquer le nom de Gustave Eiffel. Celui-ci est en effet attaché à l'île de Mayotte depuis l'époque coloniale. L'actuelle Préfecture, à l'origine Palais du Gouverneur ne doit elle pas ses plans, sinon sa construction à la Société qu’il créa pour le développement industriel de ses concepts ?
De plus, 60 ans avant Sir Bailey, le constructeur du Viaduc de Garabit et sa société avaient mis au point, dès 1879, un type de pont portatif, montable et démontable rapidement, pour les besoins des armées en campagne et pour le rétablissement provisoire des moyens de communication et l'ouverture de voies de pénétration en pays neufs.
Le principe était le même que celui repris plus tard par Bailey qui connaissait les ponts portatifs Eiffel et s'en inspira : utilisation d'éléments métalliques standards légers (de l'ordre de 145 kg) en ensembles modulaires, montage et poussage sur place. Divers pays comme la Bolivie ou les Colonies françaises, notamment l'Indochine, et la voirie vicinale française furent le terrain d'application par excellence de ce genre d'ouvrage, vendu sur catalogue par la Société Eiffel jusque vers 1950.
La grande différence entre les ponts Eiffel et Bailey est d’ordre économique : du fait des quantités produites durant la 2° Guerre Mondiale, les seconds purent être produits à des coûts défiant toute autre concurrence. Ce qui permit à l'Administration française d'en constituer des stocks importants, de l'ordre de la dizaine de kilomètres. Et donc d'en doter Mayotte lorsque la crue de la rivière Kwalé imposa un remplacement d'urgence.
Remerciements :
A Christine LOUZÉ pour sa maquette et ses informations, à Bruno de VILLENEUVE pour ses photos, à Frédéric BEAUDOIN et Alain DUBROMER, respectivement Président et Secrétaire Général de la Société Mahoraise de Philatélie et de Cartophilie (SMPC), à Ali SOIDIKI de la Direction de la Poste de Mayotte, à la Direction de l'Equipement de Mayotte pour leurs documents.