Techniques et supports
Quantités de supports et matériaux les plus variés peuvent servir de cadre à ces correspondances créatives, finalement ouvertes à tout un chacun. Il peut s’agir d’une simple enveloppe, d’un morceau de carton, de bois, d'écorce, de tissu, de verre ou encore d’un disque, d’une boîte d'allumette ou d’un dessous de bock. L'Art postal s'approprie des disciplines aussi différentes que la sculpture, la peinture, la photographie, la bande dessinée, le collage, le dessin, la broderie (FIG. 21).
Quant aux matériaux, il n'y a pas de limites d’utilisation à la condition qu'ils supportent le voyage par la poste : outre les techniques traditionnelles (peinture, collage...), on trouve ainsi sur les courriers des plumes, fleurs, coquillages, sable, perles, boutons ... ou tout objet de récupération. Les règles du «bien envoyé» ne sont pas toujours respectées : forme de l’objet, place du timbre, fantaisie dans les adresses (sous forme de rébus, de poèmes ...).
Les attributs de La Poste - adresses du destinataire et de l'expéditeur, timbre, oblitération - participent évidemment des matériaux de l'Art postal. Les artistes puisent aussi dans le registre postal pour nourrir leur imagination et réaliser leurs compositions. Ils n'hésitent pas à jouer avec le timbre et à l'intégrer dans leur composition. Certains vont jusqu’à créer leurs propres timbres, fictifs, plus ou moins heureux, le but étant que les guichetiers les tamponnent (FIG. 22). La calligraphie est aussi très prisée. |
Malgré cela les courriers se perdent rarement et arrivent presque toujours à destination : merci aux postiers ! L'Art postal est aujourd'hui toujours plus vivace que jamais ; de nombreux réseaux d'artistes échangent entre eux ou par le biais d'invitations et d’appels à projets.
L'Art postal aujourd’hui Il existe des fanzines [vii] d'art postal, constitués d'œuvres originales. On peut citer Nada Zéro, édité par Christian Alle et mis en ligne par l'artiste Lauranne (FIG. 23) qui diffuse aussi des informations sur des projets et contacts de Mail Art, une entreprise originale entièrement gratuite : il suffit d'envoyer 20 œuvres de petit format pour recevoir un exemplaire. La réciprocité est la règle du Mail Art, non-marchand par essence. Ce magazine a aussi un frère canadien : Circulaire 132. |
Aujourd’hui, la Toile est le terreau le plus fertile. Plusieurs appels d'art postal (mailart call) y naissent quotidiennement sur les thèmes les plus variés. Le site Mail-Art Across the World, associant divers pays, propose d'allier au Mail Art classique la calligraphie, vecteur par excellence de l'adresse postale. Toujours sur Internet, des galeries et forums en ligne sont proposés. Des restitutions prennent parfois le relais sous forme d'expositions publiques.
Autre exemple de réseau très actif : celui du Ministère de la Justice. Autours du Pôle Culture de la Protection Judiciaire de la Jeunesse des Yvelines, son partenariat avec Phil@poste vieux de 10 ans, permet un concours annuel auquel participent plusieurs centaines de créateurs. La presse philatélique nationale n’est pas en reste, qui consacre périodiquement des articles au sujet et lance ses propres appels à projet [viii]. L’institution postale elle-même a investi le champ. Depuis la première grande exposition de Mail Art organisée en 1989, le Musée de la Poste- devenu l’Adresse - a rassemblé plus de 5 000 pièces dans ses collections (FIG. 24). Il développe aussi de très fructueux partenariats. |
Pour finir, il serait injuste de ne pas évoquer le travail fait dans l’ombre par de nombreux enseignants, instituteurs ou professeurs d’arts plastiques, qui – via le Mail Art- cherchent aussi à réconcilier les jeunes avec la correspondance écrite : tâche difficile à une époque où portables et SMS règnent sur l’échange de messages [ix].
Et dans les Expositions philatéliques ? Les présentations compétitives patronnées par la FFAP autorisent jusqu’à 50% de matériel non-philatélique en «Classe ouverte». Dans ce cadre, les pièces de Mail Art sont naturellement admises et appréciées car elles aident à bien diversifier le type de documents présentés par des créations originales (FIG. 25). |
Le Règlement de la classe «Histoire Postale» est une autre possibilité, cependant peu utilisée. Son article 3.2 offre pourtant le droit d’exposer, dans le cadre d’études historiques, des «ensembles d’enveloppes illustrées et décorées ayant transité par le système postal». L’Art postal appartient aussi à une solide tradition de la «Philatélie polaire» qui constitue une classe particulière d’exposition (FIG. 26). Une belle pièce de Mail Art peut également trouver sa place en première page d’une présentation en classe «Thématique», en guise d’accroche de la collection. Les organisateurs d’expositions FFAP ont enfin la latitude de proposer une «Classe libre». Pourtant, malgré ces ouvertures, on ne voit que fort peu de pièces contemporaines d’Art postal dans les différentes manifestations. Seraient-ce parce qu’elles échappent généralement aux circuits marchands et qu’il n’y aurait de bonnes pièces philatélique qu’acquises en monnaie sonnante et trébuchante ? Ou que les philatélistes n’ont pas la fibre artistique ? Faux, bien sûr ? Mais alors ?