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Catégorie : Histoire et Actualité Postales


POSTE FRANÇAISE ET TIMBRES PUBLICITAIRES.
LES MOTEURS AGRICOLES ET INDUSTRIELS.

Jean-Louis Bizet.


dimanche 6 mars 2022

Parmi les carnets de timbres publicitaires émis par la poste française dans les années 30, j’ai acquis ceux de deux entreprises de fabrication de moteurs thermiques fixes : BERNARD Moteurs et Moteurs C.L. CONORD. Comme j’ai vu dans mon enfance et mon adolescence mon père utiliser deux machines entraînées par ce type de moteurs, je me suis attaché dans cet article à retrouver l’histoire de ces deux entreprises.

Les deux machines avec moteurs thermiques utilisées par mon père.

La scie à bois de chauffage.

A la campagne, lors de l’abattage de leurs arbres, les cultivateur propriétaires nous livraient en vrac les branches en longueurs d’environ de 1m à 1,2m. La scie nous servait à débiter ces branches afin d’obtenir des tronçons d’à peu près 40-50 cm utilisables dans la cuisinière à feu continu.
La scie circulaire était entraînée depuis l’arbre du moteur « JAPY » par l’intermédiaire d’une courroie enduite de poix (matière collante) améliorant l’adhérence.
Mon frère ainé et moi-même avions interdiction de nous servir de cette machine étant donnée sa dangerosité.



La bétonnière.



Mon père, artisan maçon, se servait d’une bétonnière identique à celle de la photo, à l’exception des roues en fer qu’il avait remplacées par des roues de voitures à pneus. Elle datait du début des années 50 et était fabriquée par les Établissements RICHIER à Charleville.
Lorsque j’étais adolescent, je me suis servi de cette bétonnière puisque j’aidais mon père pendant un mois de vacances d’été.



L’évolution de la production d’énergie au XIXème siècle et au début du XXème.

Les activités humaines ont toujours eu besoin d’énergie obtenue par des moyens variés tels que le feu pour la production d’outils en acier, la force motrice de l’eau et de l’air (moulins) et la force humaine ou animale pour l’agriculture (labourage, semailles, récoltes, etc..), l’exploitation forestière et la construction. Au cours du XIXème siècle, la production industrielle et les transports prirent leur essor suite au développement de machines à vapeur lié à la production de charbon.
Grâce aux découvertes thermodynamiques et techniques, les premiers moteurs « à combustion interne » fixes apparurent dans le dernier quart du XIXème siècle. Mais la plupart de ces moteurs pouvant fonctionner au gaz, au pétrole, à l'essence ou à l'huile lourde pour les plus gros diesels étaient lourds, encombrants, refroidis par un bac à eau extérieur.
Au début du XXème siècle jusqu'à la première guerre mondiale, les moteurs devinrent plus faciles à exploiter (allumage par bougie et magnéto par exemple), plus petits et donc plus facilement transportables.

Le développement des moteurs fixes entre les deux guerres.

Mais le grand développement dans l'emploi des moteurs fixes fut la période de l'entre-deux-guerres. Dans l'agriculture pour aider ou remplacer les travaux pénibles, les moteurs entraîneront pompes, scies, broyeurs, écrémeuses, etc…
Dans les petites entreprises artisanales, à poste fixe, des moteurs plus gros serviront à entraîner plusieurs machines à l'aide de courroies et poulies débrayables comme cela existait déjà avec les machines à vapeur.
Plus de trois cents constructeurs en France se sont lancés dans la fabrication de ce type de machines dont la puissance varie de plusieurs dixièmes à quelques dizaines de chevaux. Il faut noter également qu’après la Grande Guerre 14-18, des moteurs nord-américains ont continué à être commercialisés, notamment ceux à deux volants.

Les moteurs C.L CONORD.

J’ai trouvé très peu d‘informations sur l’entreprise C.L CONORD (Conord et Labiaule) qui était installée Rue Gallieni à Rueil-Malmaison. Elle a été rachetée en 1929 par BERNARD Moteurs.

Bande extraite d’un carnet 283- C32.
Timbres type Paix 50c émis en 1932. Carnets à ce type confectionnés jusqu’en 1937.



Après ce rachat (fusion ?) et un voyage d’études aux Etats-Unis, Auguste CONORD s’est lancé en 1932 dans la fabrication d’appareils ménagers et notamment de machines à laver le linge et d’aspirateurs en créant une usine à Paris. Il rencontre alors de grandes difficultés car le marché français n’est pas préparé à ces nouveautés. Cependant, il persévère si bien qu’après la seconde guerre mondiale son entreprise devient une des plus importantes en France avec trois usines : la première à Paris, la seconde créée en 1949 à Bobigny et la troisième à Reims construite dans les années 50.

La Société Moderne D’Appareils Ménagers (SMAM) distribue les appareils ménagers CONORD tels que lave-linge, réfrigérateurs, aspirateurs et petit électroménager. Elle est absorbée en 1966 par Surmelec (groupe Thomson Brandt). 


 



Les moteurs BERNARD.

Après avoir travaillé chez ALBARET comme dessinateur de moteurs à explosion, Auguste BERNARD crée en 1920 son entreprise de fabrication de moteurs agricoles et industriels à Suresnes. Sa société « BERNARD Moteurs » acquiert une grande notoriété et se développe rapidement grâce à la qualité de ses produits. En 1924, elle s’associe avec le fabricant de pompes GUINARD pour l’assemblage des groupes motopompes. En 1929, elle rachète la société « Moteurs CL CONORD », son principal concurrent.
Le rachat (ou la fusion ?) de BERNARD et de CL CONORD a donné lieu à timbres publicitaires (ci-dessous) et des couvertures de carnets de timbres publicitaires comme de la page suivante.

Bande extraite d’un carnet 283- C28.


Couverture d’un carnet 283-C25 (Timbres type Paix 50c).


En 1934, au décès d’Auguste BERNARD, sous l’autorité de son frère Frédéric (PDG) et de son fils Jacques (Administrateur), la société « BERNARD Moteurs » continue son activité. Pendant la seconde guerre mondiale « BERNARD Moteurs » ne ferme pas et rachète en 1941 la division des moteurs thermiques JAPY, fabricant de pompes bien connu, même encore de nos jours.

Après la guerre qui a vu disparaitre les petites marques, « BERNARD Moteurs » fait progresser sa gamme en déposant de nombreux brevets et en employant des matériaux et des pièces mécaniques plus modernes (aluminium, caoutchouc, roulements à bille, etc…). Ainsi, l’année 1947 voit la sortie du moteur W10 à refroidissement à air et en alliage léger, puissance 3,75CV. Il est suivi en 1948 et 1949 des moteurs W13 et W14 de puissance respective 15CV et 10CV. Ces moteurs auront un grand succès car plus compacts et légers pour une même puissance et aussi plus simples d’utilisation.

Commercialement, « BERNARD Moteurs » s’intéresse également aux applications possibles de ses moteurs : entraînement de motopompes, de bétonnières, de scies circulaires, de compresseurs, etc… et plus tard de motoculteurs (notamment ceux de STAUB). Pour l’anecdote, « BERNARD Moteurs » sera le fournisseur de moteurs entraînant les pompes des circuits hydrauliques de manœuvre des canons anti-aériens de l’armée française (canons de 40 mm de marque suédoise Bofors).

Cette période d'après-guerre sera très faste pour « BERNARD Moteurs » qui atteint une situation de quasi-monopole des moteurs thermiques sur le marché français, période qui durera jusqu’à la fin des années 60 et au tout début des années 70.

Concurrencé par les productions de fabricants italiens et japonais de machines de grande diffusion importées à des coûts inférieurs, BERNARD Moteurs ne saura pas s’adapter à ce changement. Il est à noter également que la généralisation de la distribution électrique sur l’ensemble du territoire français sonnera encore plus rapidement la fin de la construction des moteurs à explosion fixes remplacés par des moteurs électriques.

Finalement, BERNARD Moteurs a été racheté par Renault en 1972.

Sources (sites) :
www.bernard-moteurs.com
Wikipedia
www.wikizero.com/fr/Bernard_Moteur
François Barral : les moteurs Bernard de 1920 à 1950.

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