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Catégorie : Histoire et Actualité Postales


POSTE FRANÇAISE ET TIMBRES PUBLICITAIRES :
LA NOURRITURE DES BÉBÉS ET DES ENFANTS EN BAS ÂGE.

Jean Louis Bizet.


jeudi 10 février 2022

A la fin du XIXème siècle, la science se consacre à l’hygiène de l’alimentation et à l’amélioration des techniques de conservation des aliments (stérilisation, pasteurisation). Simultanément, des pharmaciens s’intéressent à l’élaboration de produits alimentaires fortifiants pour les bébés et les enfants en bas âge. Leurs travaux aboutissent dans les vingt premières années du XXème siècle, et deux marques (entre autres) naissent et prospèrent : BLÉDINE et PHOSPHATINE FALIÈRES.

Pour celles-ci, de 1925 à 1938, la Poste a émis des carnets de timbres publicitaires, les timbres utilisés étant la Semeuse Lignée 50c rouge (Timbre N° Y&T 199 émis de 1926 à 1932), le 50c rouge femme Fachi (N°Y&T 272 émis en 1930-1931), le 50c bleu Jeanne d’Arc (N° Y&T 257 émis en 1929) et le 50c rouge Paix (N° Y&T 283 émis de 1932 à 1938).

LA BLÉDINE.

En 1881, deux pharmaciens de Villefranche-sur-Saône, Joseph Léon JACQUEMAIRE (1850-1907) et Maurice MIGUET (1880-1932), s'associent. Ils créent un laboratoire de produits alimentaires fortifiants qui produit d’abord la Phosphate Vital et Carnine, élaborée à partir de sang de bœuf. Puis, ils s’intéressent à l’alimentation des enfants intolérants au lactose et mettent au point en 1906 la Blédine. Lorsqu’il décède en 1907, Léon JACQUEMAIRE est loin de se douter du succès de cette bouillie. Avant son décès, il a nommé Maurice MIGUET directeur de l’entreprise qui conserve le nom de son fondateur.

Répondant à la lutte contre la mortalité infantile, la marque Blédine rencontre un succès immédiat. Dès 1907, il se vend 15 000 boîtes par mois. La fabrication est artisanale, avec une cuisson dans les fours de boulangers. Pour mieux imposer son produit, Maurice MIGUET s’appuie sur le corps médical. Un service de prospection médicale est créé. Des visiteurs médicaux sillonnent la France entière avec leurs échantillons en vantant les bienfaits de la Blédine dans les maternités et chez les médecins de campagne. En 1923, une usine de fabrication moderne est construite à Villefranche sur Saône. La marque s’appuie aussi sur une importante présence publicitaire avec un slogan percutant comme « Blédine Jacquemaire la seconde maman ».

Couverture extérieure d’un carnet publicitaire N° 283-C16, série S.290


La Blédine est une farine obtenue par le broyage et des tamisages successifs sous atmosphère contrôlée de grains de blé enrichis d'éléments minéraux, de lactose, et de sucres.
La cuisinière des premiers essais est la concierge de Maurice MIGUET tandis que le premier cobaye est la fille de ce dernier.
La marque Blédine est déposée en 1910.


 

Bande extraite d’un carnet N° 283-C48 (Date d’émission en haut à droite : 24.1.36).


En 1929, la marque BLÉCAO, farine enrichie au cacao, est lancée. Là encore, des carnets de timbres publicitaires sont émis. Sur une bande de cinq timbres, les messages sont différents. Ci-dessous, on peut lire les messages suivants pour BLÉCAO : Déjeuner instantané, toujours bien digéré, en une minute, déjeuner des gens pressés, déjeuner léger reconstituant.
Certains philatélistes cherchent à reconstituer ces bandes lorsqu’elles ont été utilisées sur lettres, un véritable jeu de patience.

Bande extraite d’un carnet N° 283-C16, série S.290.


En 1932, Maurice MIGUET meurt. Il s’ensuit une période difficile conjuguée à une baisse des ventes, à l’augmentation de la concurrence et aux contrecoups de la dépression économique mondiale de 1929. En 1935, l’usine de Villefranche essuie des pertes. Des industriels lyonnais (Groupe Gillet et sa filiale Progil) prennent alors les rênes de l'entreprise et nomment à sa tête Jean PENCHE, le gendre de MIGUET. Celui-ci lance une nouvelle politique commerciale : distribution de livrets à la naissance des bébés, création de nouveaux produits (Galactogil et Peptogil) et nouveau modèle de boîte. L’entreprise JACQUEMAIRE est sauvée et peut traverser les années de guerre et d’occupation : en 1943, elle arrive à produire encore 600 000 boîtes de Blédine, 60 000 de Blécao et 70 000 de Diase céréale qui seront livrées en France occupée et en zone libre par tous les moyens possibles, y compris à pied et en vélo lors des restrictions de carburants. Toutefois, par manque de matière première, la production de Blédine sera interrompue en 1944.

Au sortir de la guerre, l’entreprise JACQUEMAIRE, (toujours avec Jean PENCHE qui restera aux commandes jusqu’en 1971), reprend son activité et poursuit sa croissance pendant les « 30 Glorieuses » en élargissant sa gamme de produits :

1951 : Lait infantile en poudre avec sa marque ALMA suivi en 1955 du lait en poudre 2ème âge.

1955 : Lancement des ventes en pharmacie des petits pots de purées pour bébés (emballage en fer). Des dizaines de variétés voient le jour. Carotte-orange et pommes-coings par exemple ne doivent rien au hasard : ce sont des médecins nutritionnistes qui élaborent ce type de recettes adaptées aux nourrissons.

1961 : présentation pour la 1ère fois des petits pots en verre avec l’introduction du fameux « POC » à l’ouverture, ce slogan percutant garantissant la stérilisation du pot.

1962 : En référence à son produit phare, l’entreprise JACQUEMAIRE change de nom et s’appelle BLÉDINA.

1965: JACQUEMAIRE fusionne avec la Société des Eaux Minérales d'Evian (SAEME) dirigée par Antoine RIBOUD, ce qui lui ouvre le marché européen (notamment Espagne, Belgique et Italie).

Ouverture en 1972, à Brive-la-Gaillarde, d’une usine spécialisée dans les petits pots.

1973 : Création de la Cracotte (vendue sous la marque LU) et intégration dans le groupe BSN sous le nom de DIEPAL qui regroupe les activités BLÉDINA. L’usine Gallia de Steenvoorde (Nord), appartenant à BSN, se spécialise dans les laits, y compris ceux de Blédina.

1973 – 1997 : Lancement en 1992 et 1993 des premiers petits déjeuners et petits plats pour Bébé, marques « Blédidej » et « Blédichef ». DIEPAL commercialise aussi les confitures Materne, le lait de croissance en bouteille.

1997 : BSN devient Groupe DANONE.

1998 : DIEPAL NSA devient Blédina SA (Marque du groupe Danone).


LA PHOSPHATINE FALIÈRES.

Un autre pharmacien, Émile FALIÈRES (1833 ─ 1908) s’installe en 1859 à Libourne où il crée à côté de sa pharmacie un laboratoire de chimie, bactériologie et pharmacie appliquée.

Il a mené de nombreuses études dans deux domaines différents :

la viticulture en s’occupant de la lutte contre le phylloxera et l’œnologie, en particulier les matières colorantes des vins.

les phosphates et leur importance dans l’alimentation : phosphate de chaux assimilable, bromure de potassium Falières, Néoquinine Falières et surtout la célèbre « Phosphatine Falières ».

Cette phosphatine est une bouillie à base de céréales, enrichie en phosphate de calcium et destinée à l'alimentation des nourrissons et des enfants. Il semblerait qu’Émile FALIÈRES ne l’ait pas fabriqué industriellement.

En 1866, Eugène CHASSAING crée sa Maison (laboratoire) à Asnières. Il reprend le brevet et la production de la Phosphatine Falières en assurant sa promotion jusqu’à son décès en 1912. Lui succède son gendre, Georges PRUNIER. Puis, en 1928, le laboratoire est dirigé par Edgar CHASSAING MONDEGON de BORREDON, docteur en médecine (1883-1953) et Marie Thomas LE COQ, pharmacien (1879-1942) sous le sigle Chassaing, Le Coq et Cie. Ce laboratoire est spécialisé dans la fabrication de produits physiologiques, pharmaceutiques entre autres. Son produit phare est la « Phosphatine Falières ».


Ces compagnies successives ont mené une politique publicitaire très active utilisant différents supports. On trouve notamment des images à collectionner, des cartes postales, des jeux de l’oie, des pages illustrées vantant les bienfaits de la Phosphatine Falières et surtout la forme la plus célèbre constituée de petits livres relatant l’histoire du chien de basse-cour Briffaut connue de tous les enfants de l’époque et dessinée par Benjamin Rabier.


La Poste a émis des timbres publicitaires dont bandes de carnets ci-après avec le message suivant : « Phosphatine Falières : Aliment idéal Enfants, Vieillards Anémiés, Convalescents ».

Bande extraite d’un carnet N° 257-C5 (1929).


La production du vin Chassaing cesse en 1938. A partir de 1955, le laboratoire ne fabrique plus que la Phosphatine Falières et des aliments diététiques, il cesse son activité en 1969. La marque Phosphatine Falières est vendue à BSN (gamme Blédina).

Conclusion :

On pourrait s’étonner que les deux entreprises BLÉDINE, CHASSAING, LE COQ et Cie (Phosphatine Falières) aient eu des trajectoires bien différentes alors que dans le même secteur d’activités (produits de nourriture pour enfants) ils ont utilisé le même mode de vente initial chez les pharmaciens et la même méthode de publicité. En effet, JACQUEMAIRE est devenue un groupe français important après la deuxième guerre mondiale tandis que CHASSAING, LE COQ et Cie a vu son activité décliner peu à peu jusqu’à son arrêt en 1969.

Dans un premier temps (début années 1920), le développement de JACQUEMAIRE s’explique par le succès des ventes de la Blédine grâce à la prospection auprès des médecins qui la prescrivent et par la mise en œuvre d’une fabrication industrielle. Puis, dans un second temps, après la seconde guerre mondiale, par la création de nouveaux produits (déjà initié en 1929 avec Blecao) et par l’évolution dans les années 60 du circuit de distribution : ouverture aux épiceries, puis à la grande distribution. Le réseau pharmaceutique est conservé.

En ce qui concerne Phosphatine Falières, il semble que la production est restée artisanale et que le réseau de distribution est resté au niveau des pharmaciens. De ce fait, les ventes se sont réduites petit à petit pour s’arrêter en 1969. Probablement que l’histoire retiendra les magnifiques publicités qui ont été publiées.

SOURCES (SITES):
wikipedia, Jacquemaire, boitebledine.free.fr, shp-asso.org.socpharmbordeaux.asso.fr shp-asso.org.
https://www.cphr.fr/patrimoine-hospitalier/paris-album
Persee : Société d’histoire de la pharmacie (Eugene Chassaing).
https://saintyrieixlaperche.wordpress.com/

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