Aller à gauche

Catégorie : Histoire et Actualité Postales


 LES RÉIMPRESSIONS DE ROME ET DE NOVARE (1944-1946) DE TIMBRES DE LA SERIE « IMPERIALE » ITALIENNE

Rédigé par Antoine Sidoti.


jeudi 2 mai 2019

Parmi les timbres de la philatélie italienne, ceux de la série dite Impériale occupent une place particulière : pour le nombre des valeurs émises et pour sa longévité sous des formes et régimes divers. Émise à partir de 1929 (YT n° 224-243), – Royaume d’Italie, colonies, occupations, surchargés et non surchargés, etc..., les illustrations de ses nombreuses valeurs sont un condensé d’histoire où défilent invariablement les images de la Louve Capitoline allaitant Remus et Romulus, les bustes de Jules César, l’empereur Auguste, l’Italia Turrita (coiffée de tours), et de Victor-Emmanuel III en sa double casquette de roi puis aussi d’Empereur. Il faudra attendre l’approche de l’avènement de la République Italienne, – pendant la Luogotenenza, la Lieutenance Générale (5 juin 1944 - 8 mai 1946) d’Umberto de Savoie en 1945-1946 –, pour que cette série phare commence à être remplacée par une autre série de nouvelle conception, connue sous le nom de Democratica, annonciatrice, comme son nom l’indique, de la disparition de la monarchie et des relents fascistes.


Victor-Emmanuel III avait nommé son fils, le Prince de Piémont Umberto, Luogotenente du Royaume d’Italie le 4 juin 1944, à un moment où, discrédité par sa complicité avec le fascisme, il ne souhaitait pas encore renoncer à la couronne, dans une Péninsule divisée et envahie.


Pendant la période de cette Luogotenenza, des timbres issus de la série Impériale réapparaissent, imprimés soit à Rome à partir du mois d’octobre 1944, soit à Novare (Piémont) à partir du mois de mai 1945. Yvert & Tellier les catalogue indifféremment sous l’année 1945, en précisant l’absence ou la présence et le type de filigrane (couronne, roue ailée). Les seules autres précisions livrées à l’attention des philatélistes sont ces quelques données :


– Premier point, en conclusion de la série n° 459-477 (sans aucune mention de tirage, Rome ou Novare !) : « Sur les nos 462 [1 L., violet, filigrane couronne], 468 [1 L., violet, sans filigrane], et 473 [1 L., violet, filigrane roue ailée], l’inscription POSTE ITALIANE est en caractères plus petits que sur les timbres au même type parus antérieurement ».


– Second point, en conclusion de la série n° 478-480 (seul « tirage de Novare » mentionné comme tel !) : « Le n° 478 [10 c., brun, sans filigrane] est plus foncé que le n° 463 [10 c., sépia, sans filigrane] et l’effigie est moins ombrée ; sur le n° 479 [1 L., violet, sans filigrane], le chiffre 1 se termine en pointe dans le haut ».


Le but de notre article est d’illustrer plus précisément, – sans toutefois mentionner la présence ou l’absence du filigrane, qui alourdirait notre présentation –, images à l’appui, les différences qui caractérisent les valeurs de 10 c., 20 c., 1 L., 2 L., et 10 L., qui sont communes à toutes les réimpressions de Rome et de Novare.


1: CENT. 10, sépia (empereur Auguste)

Fig.1: émission de ROME (avril 1945), et détail (a) et (b). La trame (retino, en italien) est grossière (lignes discontinues) et donne l’impression d’un ensemble presque bavoché. – La lettre “C” de “CENT.” touche les deux lettres qui suivent (EN). – L’inscription “POSTE ITALIANE” est centrée. – Le point qui suit “CENT.” est placé à distance égale entre la lettre “T” de “CENT.” et la lettre “I” de “ITALIANE”. – L’impression du chiffre “10” est très grossière.

Fig.2: émission de NOVARE (août 1945) – La trame est fine (lignes suivies) et donne l’impression d’un ensemble plus précis. – Les lettres de “Cent.” sont moins épaisses ; et la lettre “C” ne touche pas les deux lettres qui la suivent. – Le point de “Cent.” est plus proche de la lettre “T”. – L’inscription “POSTE ITALIANE” est légèrement déplacé vers le chiffre “10”. – L’impression du chiffre “10” est moins grossière.


2. CENT. 20, rose-rouge (Caius Julius César).


Fig.3: émission de ROME (juillet 1945) – La trame est grossière et donne l’impression d’un ensemble presque bavoché : dessin confus, à l’image de la tunique et de la didascalie. – L’inscription “CAIVS IVLIVS CAESAR” est presque illisible. – La lettre “C” de “Cent.” touche les deux lettres qui suivent (EN) ; et la voyelle “E” ressemble à une “F”, qui peut être parfois droite et parfois renversée. – Le “0” du chiffre “20” est loin du bord droit.


Fig.4: émission de NOVARE (juillet 1945) – La trame est fine et donne l’impression d’un ensemble plus précis : dessin net, à l’image de la didascalie et de l’ourlet retouché de la tunique. – L’inscription “CAIVS IVLIVS CAESAR” est bien lisible. – Les lettres de “Cent.” sont plus claires ; et la lettre “C” ne touche pas les deux lettres qui suivent (EN). – Les caractères du chiffre “20” sont plus grands ; et le chiffre “0” est plus proche du bord droit.


LIRE 1, violet (Caius Julius César).


Fig.5: émission de ROME (Déc 1944, avril et mai 1945) – La trame est grossière, à l’image du dessin assez flou de la tunique, dont l’ourlet est inexistant. – Le pied de la lettre “L” de “LIRE” est court et va jusqu’à comprendre le pied de la voyelle “I”, qui de ce fait est plus courte que les trois autres lettres du mot (L, R, E). – Sans être illisible, l’inscription “CAIVS IVLIVS CAESAR” n’est pas très claire. – Les caractères du mot “POSTE” sont petits et distancés ; et l’inscription n’est pas claire. – Le caractère du chiffre “1 “ est très grossier, et son sommet est tronqué.


Fig.6: émission de NOVARE (mai 1945). Emission des Alliés avec faisceau du licteur. Cette émission comporte deux autres valeurs , Italie Turrita, 15 et 35c.


Fig.7: émission de NOVARE (juin 1945). Également émission des Alliés, mais sans faisceau du licteur. – La trame est fine et donne l’impression d’un ensemble plus précis : le dessin est net, à l’image notamment de l’ourlet de la tunique qui a été retouché. – Le pied de la lettre “L” de “LIRE” s’étend sur toute la longueur du mot, dont les trois dernières lettres (“IRE”) sont cette fois-ci toutes courtes. – L’inscription “CAIVS IVLIVS CAESAR” est plus claire et lisible. – Les caractères du mot “POSTE” sont plus épais ; et l’inscription est plus claire. – Le caractère du chiffre “1” est moins grossier, et son sommet se termine en pointe.


La présence du faisceau du licteur, puis son absence au cours des semaines suivantes sur cette valeur d’1 lire représentant Jules César, sur des figurines qui sont voulues par les Alliés, mérite une parenthèse. Rappelons brièvement tout d’abord que la période à cheval entre les mois d’avril et mai 1945 est un moment d’histoire très dense.


Le 28 avril, Mussolini a été exécuté. Puis, le lendemain 29, son corps, celui de sa maîtresse (Claretta Petacci) et des hiérarques fascistes également fusillés la veille à Dongo sont exposés à Milan dans le Piazzale Loreto, suspendus la tête en bas à un distributeur d’essence. L’événement marque la fin officielle de la RSI.


Ce même 29 avril, la reddition locale des troupes allemandes à Caserte (dans le sud de l’Italie, en Campanie), qui entrera en vigueur le 2 mai à 14h00, marque la fin du conflit dans le Royaume italien.


Le 30 avril, Hitler se suicide par balle dans son bunker berlinois.


Le 8 mai, l’armée allemande signe sa reddition à Reims en présence des généraux américains Walter Smith et Eisenhower, du général français François Sevez et du général soviétique Sousloparov, avant qu’une nouvelle signature de la capitulation ait lieu dans la nuit du 8 au 9 à Berlin, voulue par Staline. Cela marque la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe.


Avec des Gouvernements Militaires Alliés installés dans le nord de la Péninsule italienne, où le gouvernement royal de Rome n’a pour le moment aucun pouvoir, l’Italie est divisée de ce fait en deux également sur le plan postal.


Entre avril et la mi-mai, – contrairement à ce qu’ils avaient fait auparavant dans d’autres zones occupées-libérées du pays –, les Alliés ne suspendent pas les services postaux en vigueur en RSI (la mussolinienne République Sociale Italienne, sous la botte allemande). Bien que démonétisées sur le champ par le nouvel arrivant, les émissions fascistes continuent d’y être utilisées.


Or, pour pallier aux besoins du moment, et puisque les ateliers de Novare (Piémont), – où la RSI a imprimé ses propres timbres sur des machines apportées de Rome dans les locaux de l’Institut Géographique De Agostini –, sont en parfait état de fonctionnement, décision est prise de les utiliser pour la production de nouvelles valeurs, le tout réalisé sous le contrôle du Gouvernement Militaire Allié de la Lombardie.


C’est ainsi que, dans l’urgence, est ordonnée la réimpression, sur papier sans filigrane, de trois figurines de la série Impériale de 1929, dont deux montrent la tête de l’allégorie de l’Italie Turrita sur les timbres de 15 et 35 centimes (voir images p.11), et une qui montre précisément le buste de Jules César sur la figurine d’1 lire (voir image p.11). Cela parut sans doute la solution la plus pratique et surtout la plus rapide pour un réapprovisionnement conforme aux tarifs en cours, jusqu’à la fin du mois de juin. Tout en gardant les illustrations de 1929, on s’est simplement contenté d’éviter de reproduire les surcharges « Repubblica Sociale Italiana » et le faisceau du licteur, qui avaient été apposées par l’administration de la RSI sur la même série Impériale. L’urgence postale primant, tant pis donc pour la présence inopportune des petits faisceaux du licteur qui décorent les coins inférieurs gauche et droit de chacune de ces trois figurines. Pour les effacer, il aurait fallu retravailler les poinçons d’origine, avec tout ce que cela aurait comporté comme perte de temps et de problèmes divers d’ordre technique ! Après tout, mieux valait mettre en circulation pendant encore un bref laps de temps trois timbres comportant nos deux faisceaux du licteur, somme toute assez discrets. Ils sont suffisamment fondus dans une figurine monocolore, elle-même de petites dimensions, sont finalement quasiment invisibles si ce n’était pas à cause de la couleur blanche de la hache qui tranche sur la couleur dominante de l’image (cf. fig. p.11, détails). Cela était préférable à l’émission de timbres de la RSI, qui, autrement agressifs sur le plan idéologique, eux, sont toujours disponibles dans les bureaux de poste !


Néanmoins, pendant que ces trois “figurines alliées comportant les faisceaux du licteur” sont distribuées, commence aussi sur les mêmes ateliers de Novare le travail de préparation de nouvelles valeurs de cette même série d’usage courant dite Impériale. Mais celles-ci seront désormais sans faisceaux du licteur : or, c’est précisément ce qu’illustre notre second timbre d’1 lire représentant Jules César, que nous présentons également, sous l’indication “Et NOVARA – Également émission des Alliés, mais sans faisceau du licteur” (cf. fig. p.11 en bas, détails). Après cela, il n’y aura plus de faisceaux du licteur, imprimés sur des timbres émis officiellement en Italie.


Rappelons pour conclure que, la Luogotenenza terminée, dès le lendemain commence la brève période du Royaume d’Umberto II (9 mai -2 juin 1946), et que, le 13 juin de la même année, suite au referendum populaire du 2 juin qui a sanctionné la victoire du régime républicain, Umberto II, – que l’on appellera désormais le “Roi de Mai” –, part en exil au Portugal.


***


Lire 2, rouge carminé, (Italia Turrita).

Fig.8: émission de ROME (juillet 1945) – La trame est grossière, à l’image de l’ensemble assez bavoché. – Les inscriptions “POSTE ITALIANE” et “LIRE” sont hachées et imprécises. Il en est de même pour le chiffre “2”. – Les caractères de “LIRE” sont minces. – Le chiffre “2” est mince, peu marqué, et loin du bord droit.


Fig.9: émission de NOVARE (juillet 1945) – La trame est fine et donne l’impression d’un ensemble plus net. – L’inscription “POSTE ITALIANE” est plus claire et plus proche du bord gauche. – Les caractères de “LIRE” sont plus épais. – Le chiffre “2”, est plus gros, mieux marqué, et plus proche du bord droit.


Lire 10, violet, (Italia Turrita).

Fig.10: émission de ROME (août 1945) – La trame est grossière, à l’image du cou et de la mâchoire, qui sont invisibles à droite. L’inscription “POSTE ITALIANE” est hachée et imprécise ; et la lettre “E” de ‘ITALIANE” est presque attachée à la lettre “L” de “Lire”. – Le mot “LIRE” est presque bavoché, et il est surtout proche de “POSTE ITALIANE”. – Le “1” du chiffre “10” est mince, et le “0” est large.


Fig.11: émission de NOVARE (mars 1946) – La trame est fine et donne l’impression d’un ensemble plus net, à l’image notamment du cou et de la mâchoire, qui sont bien visibles à droite. – L’inscription “POSTE ITALIANE” est più claire ; et la lettre “E” de ‘ITALIANE” est plus éloignée de la “L” de “Lire”. – Le mot “LIRE” est mieux lisible, et il est surtout plus éloigné de “POSTE ITALIANE”. – Le “1” du chiffre “10” est épais, et le “0” est plus étroit.


Aller à droite