Malgré la promesse de l’«Italie libérale» de ne jamais toucher à l’intégrité du Monténégro (clause secrète signée lors du mariage du prince Victor-Emmanuel de Savoie avec la princesse Jelena [Elena] Petrović Njegoš, en 1896), l’«Italie fasciste» occupe le pays en avril 1941, avec la promesse de remettre sur le trône la dynastie Petrović Njegoš déchue en 1918. Si le «Statut» annoncé par la «Déclaration du retour du royaume du Monténégro» (le 12 juillet 1941) avait pu être promulgué, il aurait donné la mesure de la fausse indépendance promise ! Suite à l’éclatement de la révolte (dans la nuit du 12 au 13 juillet) contre le prétendu libérateur, c’est un Governatorato qui est finalement institué, sous l’autorité d’un général de l’armée italienne. Par là-même, Victor-Emmanuel III devient roi du Monténégro, en contradiction flagrante avec ladite clause secrète.
Le 9 mai 1943, l’administration d’occupation italienne émet dix figurines postales «en l’honneur» de l’illustre ancêtre de la reine d’Italie, le vladika (prince-évêque) et poète Pierre II Petrović Njegoš (1813-1851), dit Njegoš. Leur verso porte des inscriptions de textes tirés d’œuvres littéraires de ce dernier et leur recto est illustré avec des tableaux de Pero Poček (1878-1963, un artiste d’origine monténégrine, naturalisé italien, familier de la reine et époux d’une filleule du roi d’Italie Umberto I). Six autres figurines émises conjointement et qui montrent des «paysages» les complètent. L’analyse des unes et des autres révèle le fond historique et le message de mémoire dont elles sont chargées. Les «libérateurs» Allemands (en 1943-1944) et le mouvement de Libération nationale des partisans de Tito (en 1945) les utilisent à leur tour en les «surchargeant».
Dans la Yougoslavie de l’après-guerre, le pouvoir continue de vouloir «honorer» Njegoš et son œuvre : en détruisant la modeste chapelle funéraire voulue par l’intéressé sur le mont sacré monténégrin, le Lovćen, et en édifiant à sa place un mausolée digne du régime ; en instituant le «Prix Njegoš de littérature», une sorte de Prix Nobel yougoslave ; en faisant de l’intéressé un «précurseur» et un champion de l’idéologie marxiste du pays !
Intérêt
Nous constatons comment le présent du Monténégro, entre 1941 et 1943, s’inscrit dans la continuité et dans les «précautions» toutes relatives de l’histoire. La logique de l’évolution institutionnelle du pays est implacable. Inédit en France, le «Statut du royaume du Monténégro» promis par l’occupant est l’illustration de l’idée que le prétendu libérateur se fait de l’indépendance qu’il dit vouloir «offrir» aux Monténégrins.
Par-delà sa valeur philatélique, l’émission postale du 9 mai 1943 pour Monténégro est un document historique exceptionnel, unique. Notre analyse (historique, picturale, littéraire, philatélique, et in fine vexillologique) est totalement nouvelle. Rapportée à l’histoire passée, elle permet une lecture inhabituelle de lieux de mémoire des Monténégrins, qui ne veulent accepter la domination ottomane ni par les armes, ni par la civilisation. Rapportée à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, elle montre un aspect remarquable de la démagogie de l’occupant, qui croit bien faire en flattant l’amour atavique des Monténégrins pour la liberté. En filigrane, nous entrons dans l’œuvre poétique et politique de Njegoš (1813-1851) – les publications actuelles le concernant sont inexistantes et, quand des allusions existent elles sont soit utilisées à des fins partisanes soit incompréhensibles pour les non initiés –, et nous dévoilons au grand public l’œuvre du peintre Pero Poček (1878-1963).
La Seconde Guerre mondiale terminée, l’«actualisation (exploitation)» démagogique de Njegoš se poursuit. Le pouvoir titiste n’a de cesse de «yougoslaviser» le poète et de «laïciser» le prince-évêque. Il va jusqu’à en faire le «précurseur» de sa propre lutte de Libération nationale «populaire» et «démocratique».
L’ouvrage, publié par les éditions ÉDILIVRE À PARIS, coll. “Universitaire”, peut être commandé en librairie ou via Internet. Sur Internet, il est disponible sous forme de livre imprimé traditionnel (www.edilivre.com, ainsi que sur d’autres sites bien connus des internautes, tels Amazone.fr ; Alapage.fr ; Chapitre.com ; BNF, etc…) et sous forme téléchargeable (dans ce cas, à un prix inférieur, sur le site de la maison d’édition).