Les T.A.A.F (Terres Australes et Antarctiques Françaises) ont émis quatre timbres relatifs à un site de Kerguelen appelé « Port Jeanne d’Arc »,
Un de 4,70 F en 1984 (YT n° PA80)
Un second de 0,79 € (émis en 2003, YT n° 350)
Un troisième de 0,90€ (émis en 2008, YT n° 504)
Le quatrième étant un bloc de 4 timbres de 0,60€ (émission 2012, feuille F 618)
Pour quelle raison ? Et bien parce que Port Jeanne d’Arc fut la seule station baleinière en territoire français. Et oui…
En effet, les frères BOSSIERE du Havre, obtiennent du gouvernement français, à la fin du 19ème siècle, la concession exclusive des îles Kerguelen pour 50 ans. Ils projettent donc de réaliser une usine baleinière afin de produire de l’huile car à l‘époque certaines grandes villes du monde utilisent ce produit pour l’éclairage. L’huile est également utilisée dans les lampes ainsi que pour la fabrication des bougies (cire), des savons et des cosmétiques. De plus, bien que cela soit anecdotique, les fanons des baleines servent aux armatures de parapluies, d'ombrelles et de corsets.
Pour la construction et l’exploitation de cette usine sur le site Port Jeanne d'Arc (couramment appelé « PJDA » dans le langage des T.A.A.F), ils font appel au savoir-faire de Norvégiens et la gèrent pendant ses quelques années d'activité entre 1907 à 1922. Il est à noter que « PJDA » n’est pas situé au bord de l’océan, mais à l’intérieur des terres.
L’activité baleinière n’est déjà plus très rentable vers 1911, date à laquelle le nombre de baleines a fortement diminué et où l’huile est déjà obtenue par la chasse aux éléphants de mer. L’activité, interrompue pendant la première guerre mondiale, reprend à la fin des hostilités en 1919, mais à cette époque l’apparition des navires usines traitant les baleines directement à bord signe la fermeture définitive en 1922.
Les bâtiments de la station baleinière de « PJDA » sont entretenus et utilisés encore pendant quelques années.
On débarque à « PJDA » en zodiac après un voyage en chaland ou avec la « Japonaise » qui est une coque de baleinière trouvée en épave et transformée en petit chalutier permettant de réaliser des dragages, des relevés bathymétriques et des prélèvements d’eau de mer. L'arrivée sur ce site abandonné et dans ce village fantôme a quelque chose d'insolite. Pourtant, on ne se lasse à aucun moment de circuler dans les installations entre les cuves, les bidons, les baleinières, les habitations. On se prend même à imaginer ce que pouvait être la vie et l’histoire de ces baleiniers norvégiens. Mais ce voyage dans le temps avec un tel dépaysement est-il réellement possible ?
L'usine. Comme on le voit sur le timbre précédent des T.A.A.F PA80 ci-dessus, l'usine comprend : A - Trois chaudières à vapeur utilisant du charbon comme combustible. Elles auraient également fonctionné avec du lignite dont un petit gisement se trouve à proximité du site. |
B - Un plan incliné constitué de lattes de bois s'avançant jusque dans la mer et sur lequel sont découpées les baleines. Il est monté sur pilotis et couvert d'un auvent (déjà disparu en 1974) au fond duquel sont installés d'énormes treuils mus à la vapeur pour hisser les baleines. Les baleines sont harponnées en mer puis ramenées à terre par les baleinières dont il reste quelques exemplaires à « PJDA ». On peut imaginer les dangers de la chasse à la baleine du harponnage jusqu’au transport à l’usine en voyant la petite taille de celles-ci. |
C- Un bâtiment de production d’huile. Ensuite, les quartiers de baleine (lard qui donne l'huile séparé de la viande et des os) sont acheminés, via une goulotte en bois, du plan incliné vers les autoclaves alimentés à la vapeur permettant de les faire fondre. |
L'huile recueillie est conduite par canalisations vers des cuves de décantation et de raffinage (également chauffée à la vapeur), puis vers des cuves de stockage dont les deux plus grandes ont un diamètre de 10 mètres et une hauteur de 5 mètres. |
D- L’appontement (Wharf). Au premier plan du timbre est représenté un appontement (wharf) qui permet aux navires d'accoster. Ce wharf est équipé de rails sur lesquels circule un petit train aussi bien pour transporter du charbon et des matériels que pour évacuer les barils d'huile produite. Certains bateaux (vraquiers) sont équipés de cuves permettant l'exportation de l’huile en « vrac », ces cuves étant remplies d’huile par l’intermédiaire de manches de chargement alimentées depuis les grandes cuves de stockage par des pompes et des canalisations. En 1974, il ne reste quasiment plus rien de ce wharf. |
E – Le bâtiment pour l’entretien mécanique.
Afin de permettre l’entretien des installations, le site de PJDA comprend un atelier mécanique muni d’un cabestan à vapeur pour amener les grosses pièces à partir du wharf et d’un tour. |
Le village.
Le village de la station baleinière de « PJDA » se situe, rappelons-le, à l'intérieur des îles (et non pas en bordure de l'océan austral) sur la presqu'île Jeanne d’Arc qui se trouve derrière la presqu’île Ronarch et derrière l’île Longue au sud de Kerguelen, dans le fond du golfe du Morbihan.
Il est accessible par chalands à partir de Port aux Français.
Le village construit par les Norvégiens comprend quatre bâtiments d’habitation en bois, couverts de tôles ondulées qui subsistent encore en 1974, mais dont deux étaient malheureusement très fortement endommagés. Le bâtiment qui sert d’habitation lors des relevés océanographiques ou autres « manips » est très rustique, mais néanmoins confortable. Il comporte : une très grande pièce faisant office de cuisine et de réfectoire, pièce dans laquelle il reste une vieille cuisinière en fonte, qui fonctionnait dans le passé avec du lignite ou de la tourbe trouvés localement. On est très content d’y brûler du bois pour faire sécher nos vêtements et cuire nos repas lors de nos visites. Un dortoir garni de couchettes en planches de bois, superposées et très, très étroites. Comme le village est installé à proximité d’une petite rivière, l'eau a été détournée et, grâce à des gouttières en bois posées à même le sol, elle coule en permanence dans une fontaine située à côté des bâtiments d'habitation. Le village dispose donc de l'eau courante... Les baleiniers et les habitants de Port Jeanne d'Arc étaient éloignés de tout (comme aujourd’hui mais dans une moindre mesure les participants aux missions). Ils vivent en autarcie pendant plusieurs années. C'est pourquoi il existe un petit bâtiment d’élevage de porcs dont la viande fraiche constitue un complément à la viande des baleines. |
La restauration du site de Port Jeanne d’Arc.
A la fin des années 1990, il n'existe plus que 2 stations baleinières terrestres de l’importance de Port Jeanne d’Arc dans le monde. L'une se trouve en Géorgie du Sud (britannique) et l'autre est la station de Port Jeanne d'Arc sur le sol français, d’où l’intérêt d'une opération de restauration de ce patrimoine. Comme on l’aperçoit déjà sur les photos en 1974, le site de Port Jeanne d’Arc a subi les outrages du temps. Cela ne s’est forcément pas amélioré depuis. Une restauration complète de ce site après 70-80 ans d’abandon n’était donc ni envisageable, ni possible. C’est pourquoi les installations ont été numérisées pour en garder une trace. Les TAAF ont émis à cette occasion un feuillet (F 618) de 4 timbres. |
Une restauration partielle a cependant commencé pendant l’été austral 2000/2001 au cours duquel deux bâtiments (atelier mécanique et porcherie) ont été remis en état. On trouvera plus de détails sur le site transpolair.free.fr.
Un timbre de 0,79 € commémorant cette restauration a été émis en 2003. |