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Catégorie : TAAF et Polaire


MÉMOIRES DES TERRES AUSTRALES ET ANTARTIQUES FRANÇAISES (1ÈRE PARTIE)

Rédigé par Jean Louis Bizet.


lundi 8 mai 2017

LES ÎLES DE KERGUELEN.

C’est aux îles de KERGUELEN qu’en 1974, comme Volontaire à l’Aide Technique (VAT), j’effectue mon Service National (Service Militaire) lors de la 24ème mission, et en tant que technicien rayons cosmiques d’une part et sismologie d’autre part.

1 LE VOYAGE EN BATEAU.

        1.1 Depuis la France jusqu’au Cap.
Le 3 Décembre 1973, j’embarque à Marseille sur le « Marion Dufresne » (celui de 1973-1995 et non pas l’actuel), navire des Messageries Maritimes qui ravitaille les trois districts des T.A.A.F. (iles Crozet, Kerguelen et Amsterdam) qui vient de remplacer le Gallieni.

Après un jour de mer, le bateau double Gibraltar, puis prend la direction des Canaries pour une escale de 6 heures à Santa Cruz de Ténériffe afin de faire le plein de combustible (premier choc pétrolier oblige…). Ensuite, après avoir longé pendant quelques heures les côtes du Sénégal vers Dakar, le Marion Dufresne se dirige vers Le Cap en Afrique du Sud.
Le passage de la ligne (de l’équateur) se déroule le 21 décembre 1973 lors d’une fête organisée par le commandant et son équipage. La chaleur est étouffante et très humide, une chaleur équatoriale normale.

Pour tromper l’ennui sur le bateau, avec deux autres volontaires (dont un est océanographe), je participe à une « manip » de pompage d’eau de mer 24h/24 consistant à récupérer toutes les heures un filtre sur lequel s’était déposé du plancton pour étude et analyse ultérieure dans un laboratoire.

Puis vient l’arrivée au Cap le 29 décembre en début d’après-midi, suivie d’une visite de la ville pendant quelques heures par un très beau temps (été austral) dans une ambiance surprenante pour nous Français puisque le régime politique de l’Afrique du Sud est alors celui de l’apartheid. Après une nuit sur le bateau, nous restons sur le quai jusqu’au départ vers les terres australes, le dimanche 30 décembre en début de soirée.



        1.2 Le voyage du Cap à Crozet, puis jusqu’à Kerguelen.

Le « Marion Dufresne », après avoir déposé 4 sud-africains sur l’île du Prince Edouard, fait route vers les 40èmes rugissants et les 50èmes hurlants pour finalement faire escale et ravitailler la base Alfred Faure de Crozet dont c’est le 10ème anniversaire.

La base Alfred Faure est située en hauteur sur un monticule surplombant l’anse du marin sur laquelle se trouve une très importante colonie de manchots royaux qui s’y reproduisent pendant l’été austral. (Pièce 4)

Après deux jours à Crozet, le Marion Dufresne reprend la mer jusqu’à Kerguelen.

        1.2 L’arrivée à Kerguelen.

J’arrive sur la base de Port Aux Français (latitude 49° 21’ Sud et longitude 70° 12’ Est) à Kerguelen le 12 Janvier 1974. Dans le jargon des « taafiens », Port aux Français est souvent appelée en abrégé « PAF ». Dans le même genre d’abréviation, le chef de district est appelé le « Disker ».



2 PRESENTATION GENERALE DES ÎLES KERGUELEN.

L’archipel de Kerguelen est constitué d’une île principale appelée Grande Terre ainsi que de très nombreuses petites îles, et de fjords très découpés. On a l’habitude de dire que les Kerguelen ont la superficie de la Corse avec autant de longueurs de côtes que la France. Les Kerguelen présentent la particularité d’être couvertes à l’Ouest par une calotte glacière (Cook). Le point culminant est le Mont Ross (1 850m) qui se trouve au Sud. Il a été escaladé pour la première en janvier 1975.
Le climat est surtout caractérisé par des vents dominants d’Ouest continus et parfois violents de 150 Km/h, parfois jusqu’à 200 km/h. Ce vent, à longueur d’année, est fatiguant, mais n’oublions pas que les Kerguelen se trouvent sur les 50èmes hurlants et que ces îles avaient été nommées « Îles de la Désolation ». La température moyenne annuelle y est de 4 à 5°C avec des maxima absolus de 20°C et de -10°C, mais je ne me souviens pas particulièrement d’avoir eu froid. Par contre, il n’est pas rare d’avoir les 4 saisons dans la même journée.

La faune est particulièrement diversifiée car les eaux environnantes sont très riches en krill, ce qui permet le développement de nombreux poissons et par conséquent d’oiseaux et de mammifères ayant besoin de la terre ferme pour se reproduire.

De très nombreux timbres émis par les T.A.A.F représentent cette diversité (albatros, cormorans, skuas, pétrels, manchots, éléphants de mer, otaries, etc.…).
Les paysages au niveau de la mer ressemblent à la toundra, mais la végétation est peu importante du fait de la pauvreté de la terre et de l’introduction d’espèces importées (notamment des lapins). On trouve une espèce végétale endémique (le chou de Kerguelen). L’étendue importante de rochers (même à très basse altitude) et de la rudesse du climat, résume le champ de vision à des lichens et des mousses.


On voit, par contre, de très importants champs sous-marins d’algues appelées Macrocystis et Durvilléas. Ainsi, devant Port-Aux-Français, dans la baie du Morbihan, une très grande prudence doit être observée pour la navigation, pour éviter que les hélices ne se prennent dans les algues.

3 LA BASE DE PORT AUX FRANҪAIS (EN 1974).

La base scientifique de Port-aux-Français fonctionne en continu depuis 1950. En 1974, environ 100 personnes hivernent tandis qu’environ 40 personnes supplémentaires sont présentes pendant la campagne d’été qui dure de début janvier à fin mars.





        3.1 La recherche scientifique.
A – Les mesures géophysiques.


Au moment de l’année géophysique internationale (de mi-1957 à fin 1958), 8 bâtiments ont été construits pour abriter les systèmes de mesures et d’enregistrement des caractéristiques physiques de la Terre. Ils servent également de logement aux techniciens. Certains de ces systèmes qui existaient déjà ont été rénovés ou changés. Dans le cadre d’un programme international, ils concernent principalement :

   Le géomagnétisme (mesures du champ magnétique terrestre)
   Les mesures relatives à l’ionisation par le rayonnement du soleil des atomes et molécules de la haute atmosphère terrestre de 80 km à 500 Kms (ionosphère)
   Le rayonnement cosmique (flux de particules de haute énergie circulant dans le vide interstellaire)
   La radioactivité naturelle de l’air
   Les mesures des vibrations du sol (par 3 sismographes répartis sur la Grande Terre)

L’ensemble de ces installations est suivi par le CNRS ou par différents laboratoires d’universités françaises tels que l’Institut Physique du Globe. Chaque jour, des données simplifiées leur sont transmises par radio en France tandis que les enregistrements définitifs sur bandes magnétiques, sur papier ou autre support leur sont envoyés dans des caisses à la fin de l’hivernage (donc une fois par an).



B – La météorologie.

Une station météorologique fonctionne à Kerguelen. En dehors des relevés classiques (température, pression, vitesse du vent, pluviométrie, etc.…), les météorologues envoient chaque jour un ballon sonde gonflé à l’hydrogène avec suivi de sa trajectoire par radar. Compte tenu du vent violent, le lancer du ballon était sportif et ne réussissait pas toujours bien qu’il y ait un mur pare-vent. Une usine de fabrication d’hydrogène existe en 1974 à Port-aux-Français.

La station de météorologie a accès aux photos satellite du continent antarctique et de l’océan indien.

C – Le laboratoire de biologie marine.

Ce laboratoire en 1974 est de construction récente. Les expériences pendant mon hivernage consistent principalement en :

   L’étude des algues pour essayer de déterminer la biomasse correspondante
   L’étude du crabe des îles Kerguelen Halicarcinus planatus
Le tout comprenant des relevés réguliers des caractéristiques de l’eau (salinité, température, qualité, etc.…)

   Des opérations de baguage des oiseaux (notamment les albatros hurleur et albatros à sourcils noirs)

D – Le pas de tir.

Enfin, la base de Kerguelen comporte un pas de tir de fusées-sondes comprenant les hangars d’assemblage des fusées et de leurs coiffes.

En janvier et Février 1975, deux fusées Eridan ont été lancées lors du programme franco-russe ARAKS.



3.2 Les moyens (bâtiments, logistique, etc..).

La base comprend en plus des bâtiments abritant les différents laboratoires :

   Les services techniques (centrale électrique, communication, station pompage eau...)
   Les services logistiques (intendance, restaurant, cuisines, logements, véhicules et garage, magasin général, chalands, etc.…)
   Les services de construction avec ses matériels et engins…
   L’hôpital

Les T.A.A.F ont émis de nombreux timbres, entre autres les timbres N° A14 et N° A26 représentant la base.







3.3 Les opérations de ravitaillement.

Le ravitaillement des bases des Terres Australes (Crozet, Kerguelen et Amsterdam) est assuré par des rotations du Marion Dufresne pendant la campagne d’été (en général 2 à 3 passages du bateau entre début janvier et fin mars).

A Kerguelen, le Marion Dufresne se met à l’ancre devant Port-aux-Français. Puis, le déchargement des caisses et conteneurs est effectué par les grues du bateau sur deux chalands. Ensuite, les chalands gagnent le quai de débarquement du port de la base, port en eaux peu profondes, où ils sont déchargés sur des camions.



3.4 Les hélicoptères.

A l’arrière (poupe) du Marion Dufresne se trouve un local à l’abri des intempéries dans lequel étaient rangés en 1974 deux hélicoptères du type Alouette II.

Leur tout premier rôle était de transporter le courrier, Opération primordiale pour les hivernants.

Puis les hélicoptères transportent les équipements sur les différentes îles ou sites afin qu’ils soient montés et mis en service. Ensuite vient le ravitaillement de quelques cabanes.

Les T.A.A.F. ont commémoré la présence de ces hélicoptères (Alouette II) en émettant les timbres N° 92 et N° 93.





Arrivé sur la base de Port Aux Français à Kerguelen le 12 Janvier 1974, j’en repars le 3 février 1975.




(A suivre…)

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